Le nationalisme de Laurent-Désiré Kabila comme socle de l'unité nationale

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Plusieurs de nos compatriotes ont retenu de Mzee Laurent-Désiré Kabila des valeurs cardinales dans sa conception de l’idéologie politique et de la conduite des affaires publiques. Le patriotisme, le nationalisme, le souverainisme, l’auto-prise en charge, l’auto-détermination, etc. sont parmi les valeurs les plus citées par les Congolais lorsqu’on les interroge sur ce qu’ils gardent en souvenir de leur président bien-aimé assassiné dans son bureau de travail.

Principe de vie de Mzee est devenu le leitmotiv de plusieurs Congolais qui ne jurent que par cet engagement au sacrifice suprême. L’armée congolaise en a même fait sa devise. Mzee a donc légué un outil séculaire expressif de l’attachement à la patrie et une mystique de rédemption de la nation congolaise.


Mais pour comprendre la philosophie politique de Mzee Laurent-Désiré Kabila, il faut l’inscrire dans la lignée des pères de l’indépendance, et particulièrement la lutte de Patrice-Eméry Lumumba qui est, en vérité son mentor. Le nationalisme de Lumumba s’inscrit à son tour dans la concaténation historique dont un de grands poteaux indicateurs est le Prophète Simon Kimbangu. Le combat spirituel de Kimbangu possède un versant socio-politique de libération des Noirs qui rejoint la lutte rédemptrice de Ndona Béatrice Kimpa Vita surnommé la Jeanne d’Arc africaine.


Ainsi, pour dégager toute la quintessence de la vitalité de l’action politique de Mzee Laurent-Désiré Kabila, il faut comprendre l’histoire de la République Démocratique du Congo, dans sa singularité millénaire. En effet, nul autre pays africain a connu un tel sort un tel destin que la terre des Congolais. Conçue comme une zone des réserves stratégiques par toutes les puissances impérialistes qui, pour une fois, apprirent à taire leurs divergences, le Congo fera l’objet d’une auscultation en règle à la Conférence de Berlin de décembre 1884 à février 1885. Ne pouvant laisser choir un tel pactole dans l’escarcelle d’une seule puissance, les quatorze pays conspirateurs décidèrent de posséder collectivement les terres africaines riches, mais en confièrent la garde au Roi des Belges Léopold II sous la férule de son Association Internationale du Congo qui installera un semblant d’administration appelé Etat Indépendant du Congo (EIC).


Les richesses naturelles du sol et du sous- sol étaient presque connues par les explorations menées auparavant. La centralité de cette terre, la luxuriance de sa végétation du fait de son appartenance à deux bassins hydrographiques à la fois (celui du fleuve Nil et celui du fleuve Congo), la longueur et la puissance du fleuve Congo, la faune et la flore, etc., finirent de convaincre l’impérialisme occidental que la terre centrale d’Afrique était un véritable paradis qu’il ne fallait laisser aux mains des ennemis pour rien au monde. Le sort du Congo était ainsi scellé. Ce carrefour mondial allait dorénavant faire l’objet d’une attention particulière de quiconque voudra dominer le monde.


Au début du 20e siècle, plus précisément en 1904, le plus grand géopolotologue anglais, Halford Mackinder (1861-1947) élabora sa théorie la lutte entre le Heartland et les puissances maritimes. Il élabora un modèle conceptuel de la terre centrale sous le postulat de base selon lequel : « Qui commande à l’Europe de l’Est, commande le Heartland ; Qui commande le Heartland, commande l’île-monde ; Qui commande l’île-monde, commande le monde. »


Par la suite, il enrichira sa théorie avec la thèse d’une deuxième terre centrale qu’il situera en Afrique centrale au cœur du Bassin du Congo. Frantz Fanon, parlant du Congo, le concevra comme la gâchette du revolver Afrique. En 2001, j’eus l’occasion d’élaborer ma thèse de la centralité du Congo à travers la mappemonde globale. Je notais qu’il fallait démontrer que les arguments de Mackinder auraient dû aboutir à citer l’Afrique comme le centre de l’espace mondial connu actuellement. En effet, quelle que soit la méthode utilisée, on arrivait à la même évidence. En traçant deux diagonales sur la carte du monde et le recoupant de deux perpendiculaires qui se croisent, on arrive à dégager de façon artistique la centralité du Congo dans la géographie mondiale. De ce centre géographique se dégage un centre de géographie politique et, partant, un centre de la politique mondiale. [Henri Mova Sakanyi, Congo, survie et grandeur].


Dans un contexte de mondialisation ultralibéral triomphant, l’amour de la patrie fait des émules à travers le monde pour sauver ce qui reste des singularités et des identités des peuples du monde se refusant à une homogénéisation forcée selon le diktat de l’hégémon qui régente le monde.


Si cela est vrai pour d’autres peuples qui ne juraient que un mondialisme qu’ils croyaient à leur bénéfice, force est de constater que les anciens peuples esclavagés et colonisés, l’autodétermination est une obligation de survie.


Pour y arriver, le nationalisme et le patriotisme sont des valeurs cardinales qui les immunisent face aux rafles qu’organise l’impérialisme qui se présente sous diverses versions selon les contextes changeants de l’évolution du monde.


Etre, survivre, exister, se pérenniser dans ce monde des prédateurs et d’exploitation forcenés et sans vergogne, nécessite la prise de conscience du caractère tragique de la vie internationale.

Ceux qui vivent dans ce monde, sont ceux qui luttent. Les peuples ne survivent que parce qu’ils n’ont d’autres salut que de défendre leurs intérêts par eux-mêmes. Leur droit d’en appeler au ciel est la condition de leur salut car aucune puissance ne régule la vie internationale au profit de moins nantis.

Or, malheureusement il appert que depuis la nuit des temps, les hommes s’organisent de sorte que les plus forts écrasent les plus faibles, comme dans les océans : les gros mangent les petits. La loi du plus fort est la règle de base dans ce monde qui a les caractéristiques de l’état de nature où l’homme est un loup pour l’homme.

Les armes que détiennent les peuples pour résister à la prédation des dominants s’avèrent être le nationalisme, le patriotisme et la souveraineté populaire.

 Sachant qu’un peuple imprégné de ces valeurs est invincibles, les dominants de la scène internationale et leurs relais au sein des Etats de la périphérie s’arrogent le droit de diviser pour pouvoir régner sur les peuples.

 Ceux-ci auraient été victorieux dans tous les conflits s’ils savaient la force du nombre et la conscience de groupe qu’ils détiennent.


Malheureusement, la vieille maxime latine est toujours à l’œuvre : divide et impera (diviser pour régner).


C’est la stratégie de fragilisation de l’acteur populaire en opposant les éléments du tout et s’ouvrir ainsi la voie à une domination sans larmes. Le potentiel des pouvoirs qui gît dans le peuple est ainsi réduit à sa plus simple expression lorsque la concentration des forces est déstructurée par la manipulation de l’ennemi qui, à travers plusieurs subterfuges, arrive à détourner la puissance de feu du peuple vers des actions destructrices de son élan rédempteur.


Pour Mzee Laurent-Désiré Kabila, le nationalisme apparaît donc comme le socle de l’unité nationale qui concentre les forces populaires en un faisceau invincible pour les exploiteurs de tous bords. Une des astuces les plus usitées par l’exploitation est la scissiparisation de la société en ses différents pans existentiels et structurels. Ainsi la société sera toujours présentée comme s’inscrivant obligatoirement dans un manichéisme absolu.


Cette présentation binaire organise alors des luttes factices


entre les riches et les pauvres,

entre les hommes et les femmes,

entre les forts et les faibles,

les citadins et les ruraux,

entre les clercs et les ouvriers,

entre les ouvriers et les paysans,

entre les intellectuels et les masses analphabètes,

entre les possédants et les démunis,

entre les bourgeois et les prolétaires,

entre le Nord et le Sud,

entre l’Est et l’Ouest,

entre les différentes tribus,

entre différentes confessions religieuses,

entre groupes d’intérêts, etc.


Face à un prolétariat peu développé et l’hypertrophie du monde paysan, l’exploitation du bloc hégémonique s’oriente vers la mise en contradiction entre les Etats dominés et, en leur sein, entre les ethnies. Le règne du tribalisme est alors l’ingrédient majeur de l’affaiblissement du pouvoir populaire car le peuple ne se présente plus comme un tout u-incassable mais comme un conglomérat de brindilles éparses et mal allumées. Ainsi, s’érige un processus de ghettoïsation qui exclut le peuple de lieux des pouvoirs pour les cantonner dans les portions congrues d’où il vit la société en la subissant selon le modèle tracé par ceux qui occupent le centre de la scène sociale.


Conscient de ce danger, Mzee Laurent-Désiré Kabila défendait bec et ongles la souveraineté populaire en se fondant sur la cohésion sociale et l’unité du peuple. Il incitait le peuple à adhérer à l’Etat en tat que projet collectif en ce qu’il portait les desiderata du grand nombre dans sa fonctionnalité. Il s’ensuit une paix sociale par l’intégration sociale des forces sociales en présence et, en fait une paix civile du fait que la légitimité des politiques menées ne souffre d’aucune contestation majeure.


Les conflits sociaux sous forme de luttes de classes impactent sur les institutions politiques et régulent les enjeux politiques. La force ou la faiblesse du peuple sont des paramètres qui influencent l’organisation politique et sociale. Mzee Laurent-Désiré Kabila enseignait donc un modèle idéologique nationaliste pour maintenir le gros de forces dans le moule national. Il s’opposait ainsi aux ruptures irrémédiables parmi les forces populaires porteuses de l’espoir de salut du pays. A la question d’Yvon Elenga qui consistait à savoir si l’intégrisme ethnique, qui procède d’un repli des communautés sur elles-mêmes, était répréhensible, et si l’articulation ethnicité/démocratie était une forme « atemporelle » d’une illusion du passé, il répondait par un discours à base populaire qui faisait justement du peuple un dépassement du périmètre étriqué de la tribu.


En effet, plusieurs penseurs de la politique africaine se sont laissés abuser par des considérations qui faisaient de la démocratie qu'ils n’auraient jamais appréciée, une dimension du scepticisme étant donné l’omniprésence des communautés. Appelant à dépasser la tribu sans nécessairement l’effacer, Mzee Laurent-Désiré Kabila convie le peuple à périphériser les cadres linguistiques et communautaires pour privilégier le sérail national qui est porteur des projets de salut pour le peuple. C’est pourquoi, le nationalisme de Mzee Laurent-Désiré Kabila se pose en s’opposant car il estime que plusieurs forces travaillent à son éviction afin de ravaler les forces populaires au niveau de la tribalité et les priver ainsi de leur sève nourrissant la lutte du développement de la nation et du peuple.


Mzee Laurent-Désiré Kabila considérait que la nation naissait là où la tribu était dépassée, justement parce que la tribu semble si naturelle, elle ne peut pas être une nation. La nation est certes conscience, mais elle est surtout construction, ajustement, harmonisation et mise en commun. Il s’avère indispensable de préciser que la cohésion sociale, gage de l’unité nationale engendrée par le nationalisme, n’est jamais automatique encore moins naturelle. Elle a certes quelques traits avec la tribu, mais elle ne se confond jamais avec elle. La nation relève du supérieur, d’un « au-delà de la tribu ». Elle est à la tribu ce que la superstructure est aux éléments divers de l’infrastructure. La nation est une construction sociale même si elle s’en cache.


Mzee Laurent-Désiré Kabila pensait que l’instrumentalisation de l’ethnie est une chose pernicieuse car elle dans sa lutte contre l’élite, le peuple ne trouvait pas son compte dans l’ethnie. Aussi s’interrogeait-il de la manière suivante :


« Peut-on mettre fin à l’exploitation, à la paupérisation des masses, au chômage, à la prostitution et au banditisme ; peut-on freiner les abus du pouvoir ainsi que le penchant inconvenant de l’élite à la corruption et l’enrichissement par le tribalisme et l’autonomie des tribus ; peut-on résoudre par le développement séparé des tribus, c’est-à-dire l’apartheid moins le différentiel pigmatif de la peau, le drame de la rengaine de l’élite exilée en Europe à l’heure des autonomies ? il répond par la négative.


Il pense que c’est dans l’optique du développement rural intégral accéléré que l’on découdra le cancer à la fois mythique et réel du tribalisme. Il lui paraît plausible qu’à part son côté réel en tant que question posée ( à chaque nation) du développement équilibré des régions et des nationalités (ethnies), le tribalisme n’est pas le désir d’indépendance ni la résolution d’autonomie ou d’autodétermination d’une tribu donnée.


C’est plutôt de nos jours une des formes dont les forces rétrogrades et conservatrices de la société contemporaine, non traditionnelles mais capitalistes, usent pour tenter – dans le cas qui nous préoccupe – de résister aux changements qui menacent d’emporter les privilèges sociaux dont elles sont détentrices. C’est donc un épouvantail que brandit la classe exploiteuse, une manifestation des combats qu’elle livre aux fins de perpétuer son ordre social. »


Il se dégage dans la pensée de Mzee Laurent-Désiré Kabila, que le tribalisme est essentiellement – en conséquence – un combat retardataire que mènent les colonialistes dans les Etats considérés comme néo-colonies. Le tribaliste n’a jamais été un chef traditionnel, mais toujours un politicailleur (un businessman ne l’est pas moins) souvent manœuvrier du néo- colonialisme, un fantoche sur lequel ont travaillé les colonialistes nostalgiques en vue de perpétuer les liens d’affaires néocoloniaux, affaiblir politiquement les rangs de forces progressistes et retarder la prise de conscience nationale.


C’est aussi, continue L-D. Kabila, évidemment une manœuvre politique des ambitions fractionnistes dans les rangs de forces progressistes pour s’accrocher aux positions déméritées ou convoiter une quelconque puissance politique. Le fond de la pensée politique de L-D. Kabila sur cette question, est qu’il considère le tribalisme ne constitue pas la contradiction principale du moment, qui est la contradiction qui oppose le pouvoir, l’instrument coercitif des classes sociales exploiteuses, à la masse exploitée des travailleurs et des campagnards.


Poussant plus loin sa réflexion, L-D. Kabila constate qu’en voulant présenter le tribalisme comme le mal suprême qui ronge les sociétés des indépendances africaines, les impérialistes et leurs acolytes adoptent sciemment le problème pour masquer les coups qu’ils assènent à l’Afrique, justifier leurs incursions dans les jeunes Etats, contre le gré de leurs peuples.


En plus, le tribalisme manque de base matérielle – économique tant qu’il n’est pas le produit des contradictions dans les rapports de production, de propriété ou d’échange, il n’est plus capable de refuser d’être un concept abstrait, sentimental, idéalisé, utilisé aujourd’hui comme un moyen d’intoxication destiné à endiguer le déploiement des énergies populaires dans la libération sociale.


Une occasion de démontrer le nationalisme est souvent une situation de guerre. Si l’impérialisme conçoit une guerre offensive de prédation, le nationalisme met en exergue l’action militaire défensive et de résistance suite aux assauts des ennemis en quête d’appropriation indue des intérêts d’un autre Etat. Dans l’histoire, des peuples se sont soudés et ont développé un désir de vivre ensemble lors des périls liés à la guerre. Egalement, le nationalisme a souvent été une arme pour préparer les peuples à affronter les dangers de toutes sortes.


Aujourd’hui, on affirme bruyamment que le nationalisme n’est plus le même dans un « monde sans frontières » (mondialisation). La dynamique identitaire serait, semble-t-il, guidée par trois ressources : sentiment de perte, la peur et l’instrumentalisation. Ce nationalisme d’après-guerre froide poserait ainsi deux redoutables problèmes :


le premier tient à son contenu anti-universaliste,

le second à son caractère instable, car insatiable.


Ces deux éléments conjugués ont sur l’équilibre mondial « un potentiel déstabilisateur dans la mesure où ils exacerbent plutôt qu’ils atténuent les deux « deux demandes » majeures de l’après-guerre froide : demande de stabilité, demande d’identité.


L’observation de la pratique des Etats démontre le contraire car chaque Etat, même le plus friand des valeurs de la mondialisation, procède d’une volonté d’existence avant de s’engager dans le tout mondialiste. La souveraineté est de retour et pas là où on l’attendait le plus. De plus en plus, les Européens mettent au goût du jour la souveraineté de leurs pays et le nationalisme pour ne pas disparaître dans les flots tumultueux de la mondialisation.


Le nationalisme de Mzee Laurent-Désiré Kabila se veut une arme d’intégration et de cohésion nationale. C’est pourquoi, il va en guerre contre toutes les lignes de fracture qui fragilisent la nation. Il se veut soldat du peuple en se plaçant sciemment du côté de faibles. Ainsi, mène-t-il un combat acharné contre les prédations de toutes sortes. Il s’en prend à la délation, à la corruption, au tribalisme, au machisme, à la gérontocratie, à l’exploitation des milieux ruraux, aux détournements de deniers publics, etc.


il défend la femme, il défend la jeunesse, il défend le pauvre, il défend l’étudiant, il défend le campagnard, il défend l’Africain, il défend le Tiers- monde, il défend les richesses d’Afrique, il défend la cause des peuples en lutte contre la domination étrangère, il défend l’ouvrier, il défend le paysan, il défend l’enfant, etc.


Pour réussir sa lutte, il sait que l’apport de tous est indispensable.


Il faut donc réveiller les consciences à travers une pédagogie politique des leçons publiques permettant ainsi à tous d’accéder à la connaissance de leurs milieux de vie, leur histoire, leurs intérêts, le sens de leurs luttes, etc.


Il institue une branche particulière pour vaincre les fissures sociales qui usent le potentiel révolutionnaire du peuple. C’est le sens du Service national sur son modèle d’intégration nationale des jeunes. Ils sont organisés loin de leurs milieux d’origine pour qu’ils apprennent la diversité du Congo. Ils sont rassemblés dans des cases nationalistes reprenant des escouades contenant un représentant de chaque province de la République. Ainsi, les jeunes Congolais apprennent à se connaître et vivre la richesse de la diversité culturelle de leur pays.


Mzee Laurent-Kabila développe un penchant permanent envers les jeunes qu’il pense être le fer de lance de la révolution, l’aiguillon capable de transformer les relations sociales. Il se convainc chaque jour qu’investir dans la jeunesse est la meilleure formule pour des changements rapides et radicaux. C’est pourquoi, il met un point d’honneur à la formation de la jeunesse version d’éducation classique mais aussi et surtout les leçons publiques en forme d’espaces ouverts de savoir où professent ceux qui en savent un peu plus mais échangent en toute liberté avec les masses populaires.


Il s’efforce à institutionnaliser de tels cadres à plusieurs niveaux : comites des pouvoirs populaires, commission de communication populaire, chembe- chembe, cercles d’apprentissage, corps de métiers, structures d’auto- prise en charge, parlements de rue, pouvoirs locaux et universitaires, etc.


Mais Mzee Laurent-Désiré Kabila sait pertinemment que l’autodétermination n’est nullement la voie la plus aisée pour développer le Congo. Il la présente comme très exigeante. Elle est particulièrement ardue car elle requiert la conscientisation des masses et leur responsabilisation. Elle consiste à faire faire au peuple plusieurs tâches qui, de façon classique relève de la bureaucratie bourgeoise avec un Etat élitiste. Mzee suggère que plusieurs tâches soient de l’obédience d’action directe du peuple sans l’intermédiaire d’une technostructure imprégnée de corruption et de mystification.


C’est ainsi que l’une des idées forces de Mzee est l’autoprise en charge. C’est pratiquement un ordre qu’édicte Mzee pour que le peuple en quête d’autodétermination sache manier l’autre versant de cette philosophie, à savoir l’autoprise en charge. Pour Mzee, il n’y a point de salut sans cet ingrédient. Le peuple qui se veut libre, doit au préalable se vouer au culte du self-reliance, l’autosuffisance dans les matières stratégiques. Un peuple qui se veut indépendant ne doit jamais être dépendant sur le plan alimentaire. D’où l’idée de réserves stratégiques et des magasins populaires. Un peuple qui se veut indépendant doit apprendre à défendre militairement son pays. D’où l’idée du service national avec une dimension militaire. Ce service national est conçu comme une école pratique du nationalisme congolais.


L’essentiel de l’investissement dans l’avenir doit être versé dans la jeunesse, actrice d’aujourd’hui et de demain mais nourrie abondamment de connaissances de l’histoire universelle et nationale. La jeunesse est le pilier de la pensée et de l’action politique de Mzee Laurent-Désiré Kabila car il la croit non encore polluée par les structurations perverses de la société. Il la trouve encline à capter de valeurs novatrices. Les jeunes sont capables d’innover car les tares de la société ne sont pas encore cristallisées en eux. Mzee croit en la culture qui transforme l’homme. Pour lui, de la même manière qu’on laboure la terre pour l’ensemencer en lui faire produire des richesses nouvelles, de la même manière, il pense labourer la jeunesse pour lui faire produire des solutions nouvelles aux problèmes de la société.


La vieille classe politique, Mzee la croit ankylosée en incapable de faire germe de nouvelles idées en phase avec les besoins populaires. Sans la zapper, il ne l croit pas capable d’être la force décisive dans l’évolution de la société. Il lui impose de se régénérer dans la fontaine de jouvence que permet la formation permanente et l’ouverture aux idées novatrices. La tradition est digne de respect, pour Mzee, mais elle ne doit pas constituer un frein dans la quête des solutions adaptées aux problèmes que la modernité pose aux générations contemporaines.


Il défend alors l’idée d’un mixage entre l’expérience positive des aînés et la combativité éclairante des jeunes. Il fait de ceux-ci les continuateurs d’une histoire n’admettant pas de ruptures. Il charge chaque génération à poser son jalon dans l’évolution de la société en n’interrompant pas la conscience historique indispensable au progrès. Mzee est un semeur. Il jette les graines sur le sol et les enfouit dans le sol pour les faire germer pour des lendemains meilleurs. Il sait qu’il a une mission historique de transmission de connaissances. Il demande à chaque génération d’en faire autant pour assurer la pérennisation de la chaîne des legs générationnels, des aïeux aux générations à naître.


Comprendre Mzee, c’est accepter de s’engager dans la lutte concrète du salut national.

Comprendre Mzee n’est pas uniquement une œuvre intellectuelle ; c’est surtout une obligation d’engagement en faveur de la nation, la continuation in concreto de son combat.

C’est faire de l’apprentissage à balles réelles. C’est accepter la souffrance pour le bien du Congo. C’est surtout s’engager à ne jamais trahir la mère-patrie.

Continuer Mzee, ce n’est pas répéter ce qu’il avait enseigné : c’est enseigner ce qu’il avait enseigné et surtout pratiquer ses enseignements.

C’est les adapter aux conditions changeantes de la vie.

Se dire adepte de Mzee, c’est mettre en pratique ses enseignements.

C’est aussi connaître la singularité de l’histoire du Congo, en sachant que le Congo n’est pas n’importe quel pays.

C’est un enjeu mondial dont les fils doivent accepter le sacrifice suprême pour le sauver face aux convoitises étrangères passant par la rapacité de la bourgeoisie compradore à la merci de ses maîtres extérieurs qui régentent le monde.


Comprendre la lutte de Mzee, c’est sentir naître en soi un nouvel homme capable de s’engager immédiatement dans la lutte de salut public en abandonnant toutes les occupations superflues distrayant l’énergie juvénile dans la société de loisirs qu’imposent les dominants. Mzee est convaincu qu’il n’y a point de doute d’abattre l’exploitation et d’ériger une juste société. L’égalité et la justice sont des valeurs cardinales de la lutte politique de Mzee Laurent-Désiré Kabila. Il fait le serment de ne jamais échouer quand bien même il sait que la lutte révolutionnaire est truffée de beaucoup d’aléas et de soubresauts. Que des reculs et des revers sont toujours possibles. Mais, l’engagement est de ne jamais abandonner : never surrender.


Il exhorte le peuple congolais à ne jamais reculer. Il en appelle aux nationalistes d’aller de l’avant, etc. C’est la quintessence de l’hymne des opprimés :


« Ces CPP-ci sont la lumière des ouvriers

Des paysans ainsi que tout opprimé

Il n’y a point de doute d’abattre l’exploitation

Et de créer une juste société

Note serment est de ne jamais échouer

Enjoignons toutes nos forces en un faisceau

Tenons bien nos armes dans nos mains

Car ces CPP-ci sont la force du peuple

Dont la noble mission est jamais de spoliation

Notre lutte revendique nos droits

Quoiqu’il en coûte

Jamais de servitude

Pour les opprimés la révolution est rempart Son ultime fin est le peuple gouverne.

Lalalalala

Lala lalalala

Peuple congolais ne jamais reculer

Nationalistes Allons de l’avant

Jeunes du pays

Avançons avançons

Intellectuels et soldats avançons. Femmes et Filles allons de l’avant

Peuple congolais ne jamais reculer Lalalalala

Lala lalalala. »


S’il eut l’hymne aux peuples opprimés de Verdi en 1849, l’appel de Mzee tient déjà à sa lutte armée et l’exhortation au combat à l’endroit des jeunes engagés avec lui dans les maquis de Wimbidira et de Hewa Bora, dans les montagnes de Lulimba. A l’époque les Milanais avaient salué l’opéra Nabucco à la Scala aux cris de « Liberté pour l’Italie ». Comme le note le journal Humanité, « les mélomanes lombards s’étaient en effet reconnus dans le peuple hébreu exilé en Assyrie, dont Verdi chantaient les malheurs sur le beau livret de Solera, inspiré par un sujet biblique : astucieux moyen de déjouer la censure de l’occupant puisque le nord de l’Italie ployait à l’époque sous le joug autrichien. (...) Symbole du combat des Italiens en lutte pour leur liberté et leur indépendance, « Nabosso » est devenu, à travers le fameux « Va pensiero », l’hymne des peuples et des minorités : après les Hébreux hier, les Palestiniens, les Kosovars, les peuples berbères ou soudanais aujourd’hui, entre autres. »


En postface, comprendre Mzee Laurent-Désiré Kabila, c’est faire sienne l’exhortation de Cheick Anta Diop à l’égard des Africains : « L’Africain qui nous a compris est celui-là qui, après la lecture de nos ouvrages, aura senti naître en lui un autre homme, animé d’une conscience historique, un vrai créateur, un Prométhée porteur d’une nouvelle civilisation et parfaitement conscient de ce que la terre entière doit à son génie ancestral dans tous les domaines de la science, de la culture et de la religion. »


Professeur Henri MOVA Sakanyi


(Yes)


16-Janvier-2021

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